La solitude, j’apprends à tomber amoureux de ses formes – parce que ce sont les miennes.

 

   La solitude, c’est mon ombre. Inévitable compagne, pluie ou beau temps, matin et soir, je la sens toujours tapie tout près, prête à me ramener à moi pour me clouer au sol.


   Elle est élastique – elle rapetisse, grandit, se glisse partout. Elle paie pas de mine – elle a l’air de dire « fais comme si j’étais pas là » – mais elle sait retenir mon regard mieux qu’un maître hypnotiseur. Elle est un peu menteuse, aussi – je la contemple et je me sens seul au monde, j’oublie que chacun en a une. 


   Et que chacun la déteste un peu. Sûrement parce qu’elle a le culot de reprendre notre silhouette toute entière, pour nous la renvoyer paf en pleine figure, sans ménagements, en en grossissant quelques traits, souvent ceux qu’on aimerait oublier.


   Je ne voyais qu’elle quand mon premier grand amour me disait que ça n’aurait jamais joué entre nous, quand j’avouais à mes parents que j’ « aimais autrement », quand après des années d’exil, j’ai pris conscience d’être étranger dans mon pays de naissance.


   Je ne la fuis plus. Je l’observe. Je cherche ce qu’elle a d’universel et j’apprends à tomber amoureux de ses formes – parce que ce sont les miennes.


Timo, 29 ans, Biennois (Suisse)