(La solitude) J’ai grandi en la personnifiant, je l’ai adopté comme si j’adoptais un chat du quartier.

 

   Je me suis sentie seule aussi loin que remontent mes souvenirs. Dans la tête d’une enfant, la solitude devient facilement une amie. J’ai grandi en la personnifiant, je l’ai adopté comme si j’adoptais un chat du quartier, sans en parler, c’était mon secret.

   C’est triste pour un enfant et ça devient amer avec l’adolescence.

Le vide, cette impression que personne d’autre ne vit cette expérience unique d’être une poussière dans cet univers : c’était plus qu’une amie imaginaire, c’était une part de qui j’étais. Une part cachée, qui m’appartenait. Ma solitude, ma souffrance, ma définition de moi-même.

 

   Mais la vie a cette façon merveilleuse de questionner toutes nos certitudes. Souvent c’est une source de panique, lorsqu’on se rend compte que nos béquilles ne sont que ça. Mais des fois, lorsqu’on est assis sur un mensonge, la vie qui secoue nos convictions, c’est un cadeau.

La vie m’a donc attrapée par les épaules régulièrement au fur et à mesure des années. Elle a pointé du doigt les autres. Et c’est en regardant les autres, en les regardant de près, que la compassion vient. Et lorsque l’autre m’a dit qu’il se sentait seul, et que mon cœur s’est insurgé contre son émotion, que j’ai pesté contre la folie qui faisait dire à l’autre, mon ami, qu’il était seul, alors que j’étais plantée là à l’aimer si fort, que je me suis faite secouée. La compassion a cela de dessoulant, elle nous lave de notre hypocrisie. Lorsqu’on aime l’autre et qu’on a le courage de regarder son vide à lui, alors on comprend une chose importante : on est tous objectivement seul dans cette humanité, des poussières dans l’univers, on ne peut pas rencontrer quelqu’un et le faire emménager dans notre enveloppe. Il n’y a rien à faire, on est qu’un.

Pourtant on a tous envie de s’aimer, on a tous envie de se tenir la main, on a tous envie de dire à l’autre que non, il n’est pas seul parce qu’on est là, on est planté là et on l’aime si fort.

 

   Plus tard, la vie m’a percutée une nouvelle fois de plein fouet avec une idée folle. Il existe une personne qui nous aime encore plus fort que ce qu’on connaît et qui ne pouvait pas se contenter de rester planter là pour nous aimer. Cette personne c’est Jésus. En tout cas pour moi. Il a fait un truc que je pensais impossible, il s’est fait minuscule pour venir vivre dans mon cœur. Je crois qu’Il a toujours son regard sur nous et qu’Il nous aime assez fort pour nous le démontrer encore et encore, tous les jours s’il le faut. Il y a des jours où je me sens encore toute seule, mais dans ces moments, je sais qu’Il me regarde et alors je me souviens que ce n’est pas parce qu’on est seul qu’on est invisible.

Il y aura toujours quelqu’un pour nous redire que notre existence existe, qu’on est vu, qu’on est connu. Et si les êtres humains partent tous en voyage et me laissent ici toute seule, il y aura toujours Dieu pour me chuchoter dans le cœur que c’est absurde de croire que je suis une poussière dans l’immense univers alors que c’est bien son immensité qui est venue se loger en moi.

 

 

Sophie, Lyonnaise